« Garder espoir, c’est pour ça qu’on fait cette job-là », souligne celui qui est aussi président de son syndicat.
Alexandre Boutin est délégué syndical depuis 2017 et président du Syndicat du personnel technique et administratif du Centre de service scolaire de la Région-de-Sherbrooke (SPTA-CSQ).
À ce titre, il arrive à brosser un portrait très juste de la situation de ses membres sur le terrain. On s’en doute : cette situation, elle est loin d’être rose.
Lui-même était technicien en service de garde avant d’être libéré par son syndicat pour couvrir le terrain et tendre l’oreille à ses collègues de Sherbrooke. Il est donc particulièrement sensible aux conditions de travail en service de garde scolaire et à son importance cruciale pour les enfants, les parents et l’équipe-école entière. Heureusement, souligne-t-il, la valeur des éducatrices en service de garde est de plus en plus reconnue.
« La majorité des gens, les enseignants, les directions, et les professionnels savent que c’est essentiel dans une école, un service de garde : autant qu’une secrétaire. Sans secrétaire, ça ne marcherait pas, tu sais? » illustre Alexandre Boutin.
Un rôle essentiel, mais des postes peu alléchants
Le rôle des éducatrices et les éducateurs en service de garde consiste à organiser, préparer et animer une variété d’activités favorisant, dans le cadre du projet éducatif de l’école, le développement global des élèves de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire dont ils ont la garde. Tout en assurant leur bien-être et leur sécurité, sur son site web.
Malheureusement, de nombreux postes d’éducatrice ou d’éducateur en service de garde ne prévoient que de six à huit heures de travail par semaine À partir de 10 heures, ce n’est pas vraiment mieux : les postes comportent souvent des horaires brisés.
« Ce qui veut dire que les éducatrices et les éducateurs vont travailler le matin de 7 h à 9 h, explique Alexandre Boutin. Ensuite, ces personnes ont un arrêt de traitement, elles recommencent à travailler de 11 h à 13 h, et après, elles ont un arrêt de traitement, puis elles commencent à travailler de 15 h jusqu’à 17 h 30. »
Ces personnes restent donc à l’école, en « mode travail », et ce, sans traitement. Et ce traitement, lui, n’est pas plus alléchant. Avec l’inflation, il est ardu de joindre les deux bouts même avec un « gros poste » de 30 heures.
« Ce ne sont pas des postes qui sont très recherchés! » résume le technicien en service de garde.
Un service de garde avec peu de services
Ces postes peu intéressants n’améliorent en rien la pénurie de personnel qui plombe les services de garde à la grandeur du Québec. Les ratios d’élèves par éducatrice et éducateur montent, en épuisant davantage celles et ceux qui restent au travail. Si le ratio idéal est d’une personne éducatrice pour 20 élèves, « ça arrive fréquemment qu’elles aient un ratio d’une pour 40, parfois même une pour 60 », déplore Alexandre Boutin.
De plus, les services supplémentaires alloués aux élèves présentant des difficultés d’apprentissage ne se poursuivent souvent pas lors du dîner et après les cours. Pourtant, un élève qui a un trouble du spectre de l’autisme dans sa classe a encore le même trouble au service de garde.
Alexandre Boutin donne l’exemple d’une élève d’âge primaire malentendante dans l’une des écoles de son syndicat. Une technicienne interprète la suit dans ses cours, mais pas au service de garde, où la petite fille n’arrive plus à se faire comprendre des éducatrices et des éducateurs ni des autres élèves.
Pour chacun de ces élèves qui n’ont pas l’aide dont ils ont besoin à l’extérieur de leur classe, les personnes éducatrices doivent fournir davantage d’effort sans en avoir nécessairement la formation.
Ôter le plaisir du personnel en service de garde
Ce sont les élèves qui pâtissent de la pénurie et du manque de services, alors que le personnel de soutien ne demande qu’à être là pour eux et donner le meilleur d’eux-mêmes.
« Ces personnes veulent donner la même qualité de service que dans un groupe régulier expose Alexandre Boutin. Il y a un sentiment d’incompétence qui s’installe, d’impuissance, et puis il y en a beaucoup qui partent en congé de maladie et qui démissionnent. »
Avec un groupe de 20 élèves, il est plus aisé d’amener son idée de bricolage, illustre le technicien en service de garde. Lorsqu’on se retrouve devant un groupe de 40 élèves, il faut le gérer différemment. « Bien souvent, ton idée de faire un bricolage ne marchera pas, parce qu’une partie du groupe ne va pas y adhérer. »
Avec ces ratios débordants, on retire à ces travailleuses et ces travailleurs un des côtés les plus chouettes de leur travail : planifier des activités qui donneront le sourire aux enfants.
« On vient d’enlever le dernier point positif que ces personnes éducatrices ont », soupire Alexandre Boutin.
Un besoin criant de relève
Les nouvelles personnes éducatrices ne restent souvent pas bien longtemps en poste,
« Je vais dire ça comme ça : la personne est garrochée. On lui donne un bloc de présence : « Tiens, toi, tu prends les présences de ce groupe-là! », et puis voilà. Beaucoup de personnes éducatrices se découragent, et avec raison, » indique le président du syndicat.
C’est d’ailleurs l’une des demandes sectorielles de la FPSS-CSQ dans le cadre de la négociation : avoir des sous pour du mentorat, pour qu’une personne puisse se charger de faire un accueil convenable de la personne éducatrice dans son nouveau milieu de travail.
L’espoir
Le Conseil du trésor fait présentement la sourde oreille à ces demandes syndicales dans la négociation du secteur public. Alors que la FPSS-CSQ s’échine à trouver des moyens positifs et flexibles de concilier la famille et le travail, Alexandre Boutin a l’impression que le gouvernement, de son côté, propose des mesures retenir les employés de force.
Le projet d’aide à la classe, par exemple, est vu d’un bon œil, car il permettrait aux éducatrices et aux éducateurs de combler les trous dans leur horaire tout en déchargeant les enseignantes et les enseignants dans leur classe. Jusqu’ici, le projet est encore embryonnaire au Québec, et n’a été déployé que dans quelques écoles dans le cadre d’un projet-pilote.
Malgré tout, le technicien en service de garde est encore là, au sein de son syndicat de Sherbrooke, à se battre pour que ses membres et futurs membres puissent exercer leur rôle essentiel dans les meilleures conditions possibles.
« Garder espoir, c’est pour ça qu’on fait cette job-là, conclut le président de la SPTA-CSQ. C’est parce qu’on a l’espoir que les choses vont s’améliorer. On essaie de transmettre cet espoir-là à nos membres. »